L’appel des 3 000 magistrats et greffiers : le signe d’une justice non « réparée »
Il y a à peine quelques jours, le garde des Sceaux se réjouissait d’avoir « réparé la justice » et profitait du lancement des états généraux pour porter fièrement son bilan. La réalité est tout autre : le 23 novembre, plus de 3 000 magistrats, soit près d’un tiers des juges français, et une centaine de greffiers signent une tribune dénonçant une justice « qui raisonne uniquement en chiffres, qui chronomètre et comptabilise tout ».
Ce cri d’alerte, fait rare dans la justice, atteste de la souffrance des magistrats et greffiers et du désarroi du monde judiciaire face à des audiences surchargées, des arrêts maladie qui se multiplient, des audiences classées sans suite ou encore l’obligation de traiter des affaires de divorce « en quinze minutes » sans pouvoir donner la parole aux parties. Cette situation génère une « discordance » au détriment du justiciable entre la volonté de ces professionnels de « rendre une justice de qualité » et la réalité.
Le constat est clair : aujourd’hui, la justice est à bout de souffle et ne peut plus remplir ses missions. La France compte toujours deux fois moins de juges et de personnels de greffe et quatre fois moins de procureurs que la moyenne européenne alors que le nombre d’affaires traitées devant les tribunaux ne cesse d’augmenter. Par conséquent, aucune réorganisation sans un recrutement important de magistrats et de greffiers ne pourra pallier une telle pénurie.
Les états généraux lancés en grande pompe par le président de la République, resté longtemps silencieux sur les alertes de ces professionnels, ne constituent pas une réponse crédible à l’attente du monde judiciaire. D’ailleurs, aucun atelier, aucun questionnaire ne porte sur les moyens nécessaires à la justice pour rendre des décisions dans des conditions dignes.
Le garde des Sceaux se cache régulièrement derrière une augmentation du budget de la justice. Si elle a bien eu lieu en 2021, elle révèle des priorités politiques puisque la majeure partie de cette augmentation a été absorbée par le plan immobilier pénitentiaire. De même, la réponse du recrutement de contractuels, au statut précaire, sans indépendance, ne règle pas l’insuffisance du nombre de magistrats puisque ces personnes ne peuvent ni prendre des audiences ni rendre des décisions.
Le Parti socialiste apporte son soutien plein et entier à la légitime colère des professionnels de justice et demande au gouvernement de placer la question des moyens matériels et humains accordés à la justice au cœur des préoccupations et d’y apporter une réponse rapide.
La justice, plutôt que d’être instrumentalisée par des états généraux organisés à cinq mois d’une élection présidentielle, mérite une vision et une ambition au service des garanties démocratiques qu’elle incarne.