Migrants, réfugiés : ouvrons le débat

«Il faut se souvenir de l’avenir» disait Aragon. Le poète avait raison. Repliés dans notre bulle franco-française «nous» n’avons pas assez prêté attention aux conséquences prévisibles de l’effondrement du Proche-Orient dans lequel notre pays a des responsabilités. Aujourd’hui nombre de nos concitoyens sont désorientés face à la situation actuelle, partagés entre élan du cœur et peur d’une désagrégation de la société française. Dans ces moments de doute sur la solidité de notre pays et sur les valeurs dont nous sommes les héritiers, une formation politique ne peut se limiter à porter des jugements moraux. Elle se doit d’offrir une grille de lecture d’un monde complexe, violent et en perpétuelle mutation et de proposer des réponses cohérentes qui correspondent à une stratégie réfléchie et partagée. C’est d’ores et déjà l’une des leçons que nous devons tirer du drame qui se joue sur les bords de la méditerranée : si nous ne nous intéressons pas à l’International, c’est lui qui s’intéresse, tôt ou tard, à nous.
Le sujet n’a pas laissé insensible le groupe d’opposition PS et divers gauche à la mairie de Cébazat, «Cébazat au Cœur» qui signe le texte reproduit ci-dessous.
«Si nous n’étions pas de gauche, nous ne parlerions pas d’hommes, de femmes, d’enfants, de réfugiés, de détresse, de fuite. Si nous n’étions pas de gauche, nous parlerions migrants, chiffres, lâcheté. Si nous n’étions pas de gauche, nous aurions vite cédé aux sirènes du rapprochement des concepts : migrants- musulmans- Daech- terroristes infiltrés.
Si nous n’étions pas de gauche, nous n’aurions pas été à même d’être saisis par ce qu’il faut de désespérance pour fuir son pays, son histoire, ses racines, pour que même la faucheuse rodant sur chaque bateau surchargé paraisse moins terrible que de rester. Si nous n’étions pas de gauche, nous en appellerions à l’esprit patriotique, à l’honneur de défendre son pays contre l’envahisseur, à la préférence catholique, au réflexe bien naturel de l’islamophobie, au charme tout récent du RSA, de la CMU et de « l’assistanat cancer de la société ».
Si nous n’étions pas de gauche, nous n’en appellerions pas à nous souvenir des populations espagnoles et portugaises arrivées sur notre sol pour devenir françaises à part entière. Nous n’aurions pas conviction que ces nouveaux arrivants ne sont pas nécessairement des voleurs, mais de la richesse économique à terme.
Si nous n’étions pas de gauche, nous citerions seulement le début de la célèbre phrase de Michel Rocard : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». Si nous n’étions pas de gauche, nous ne citerions pas la célèbre phrase de Michel Rocard dans son intégralité : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre sa part ». Si nous n’étions pas de gauche, nous ignorerions le sens du mot « solidarité élémentaire ». Si nous n’étions pas de gauche, nous ne serions pas frappés par l’évidence de l’urgence à organiser cet accueil immédiat ici, avant d’aller régler la situation là-bas.
Si nous n’étions pas de gauche, nous parlerions de « ces milliers de migrants que l’on fait venir comme si on n’avait pas déjà assez à faire en France ». Si nous n’étions pas de gauche, nous ne remettrions pas un peu de raison dans ces chiffres délirants, et n’expliquerions pas que les demandeurs d’asile ne représentent que moins de 0,30% de la population en France. Si nous n’étions pas de gauche, nous serions restés frileux et n’aurions adopté aucune posture politique sur le sujet.
Si nous n’étions pas de gauche, nous n’affirmerions pas que Cébazat, commune sans aucune difficulté financière réelle grâce à la bonne gestion et au sens des prévisions hérités de la majorité précédente, est sans aucun doute en mesure de prendre sa place dans la logistique d’accueil organisé, et que ce ne sont pas deux ou trois enfants de plus qui pourraient mettre en danger les équilibres des Ecoles municipales.
Seulement … nous sommes de gauche.
Et nous ne pouvons rester sans réagir devant la tragédie que vivent des hommes, ces femmes, ces familles. Alors nous participons, nous donnons, nous rejoignons les mouvements organisés : le secours populaire, le secours catholique, la CIMADE. Bref, nous faisons notre devoir de citoyen du monde et ne fermons ni nos yeux, ni nos oreilles, ni nos cœurs.
Et vous ? Que feriez-vous en 2015 devant l’enfer de la guerre, de la terreur, de la culture du viol, de la torture et de la persécution à chaque coin de rue ? Il ne s’agit pas de faire n’importe quoi et d’agir sans réfléchir, de ne poser aucune limite ni aucune règle. Il s’agit juste de parler d’humanité, de dignité, de réalité. Il s’agit juste de comprendre qu’il n’y a rien à perdre et tout à gagner à ne pas tout mélanger.
Qui est le plus lâche ? Celui qui laisse tout pour sauver les siens ? Ou celui qui tourne la tête ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *