Aux quatre coins de notre territoire, les manifestations reprennent et la colère est toujours la même : les agriculteurs en ont « ras la casquette » d’être la variable d’ajustement du néolibéralisme.
L’expression de cette colère est nécessaire car elle a trop longtemps été refoulée. Nous serons toujours du côté de ceux qui travaillent, de ceux qui cherchent à s’émanciper des déterminismes. Leurs problèmes sont notre problème car qui peut sérieusement envisager qu’une société démocratique puisse prospérer en confiant sa subsistance à des multinationales financiarisées et à des puissances étrangères hostiles.
Nous appelons néanmoins à la retenue : la violence physique vis-à-vis des personnes et des institutions n’est pas la solution, y compris en période d’élections professionnelles. Les attaques contre l’ANSES, l’OFB et maintenant l’INRAE sont inadmissibles : tourner le dos à la science et à la protection des ressources naturelles, c’est vouloir mettre la tête dans le sable !
Nous ne sommes pas dupes de ceux qui ne proposent aucune solution structurelle, mais se contentent d’instrumentaliser la colère pour annihiler toute ambition écologique alors même que la majorité des agriculteurs voudraient être mieux accompagnés pour relever les défis du changement climatique, de la protection de la biodiversité ou de la qualité des eaux.
Nous ne sommes pas non plus dupes des tentatives de récupération de ce mouvement par l’extrême droite : le volte-face du RN sur les prix-planchers agricoles a montré une fois encore que plus elle se rapproche du pouvoir, plus l’extrême droite montre son vrai visage ; rappelons que les élus RN au Parlement européen ont voté en faveur de la dernière PAC et se sont courageusement abstenus lors de votes de positionnement sur le Mercosur !
Au-delà de l’étincelle que constitue l’annonce d’une signature imminente de l’accord avec le Mercosur que nous continuons de combattre, ce mouvement doit être interprété comme la nécessité d’un changement de paradigme en matière de politiques agricoles, pour tourner la page de 30 ans de dérégulation des marchés.
Dans ce moment, les Socialistes réaffirment quatre principes :
- Le développement de l’agriculture française s’est bâti dans le cadre de l’Union européenne et c’est à ce niveau qu’il faut reconstruire notre souveraineté alimentaire par la régulation des marchés ;
- Nous ne devons jamais opposer économie et écologie car notre sécurité alimentaire dépend de la santé du vivant ;
- Nous devons défendre solidairement le pouvoir d’achat de nos concitoyens et le revenu des agriculteurs comme des autres travailleurs des filières face aux pressions de certains grands industriels et distributeurs ;
- La nécessaire prise en compte de la diversité des agriculteurs et la priorité du soutien aux fermes à taille humaine.
Trouver une issue à ce mouvement nécessite une réponse politique d’ampleur. Le projet de loi d’orientation agricole actuellement entre l’Assemblée et le Sénat n’est absolument pas à la hauteur des enjeux. Nous réitérons l’appel à une véritable loi foncière pour renouveler les outils de régulation du foncier agricole afin de lutter contre l’injustice ressentie face aux stratégies de concentration et d’accaparement des terres et ainsi de faciliter l’accès aux terres d’une nouvelle génération indispensable à la réussite de la transition agroécologique.
Nous en appelons à l’organisation d’États généraux de la coopération et de la solidarité agricoles afin de prendre à bras le corps l’enjeu du renforcement du pouvoir de négociation des agriculteurs. L’uberisation des éleveurs imposée par Lactalis et consors n’est pas une fatalité. Pour les agriculteurs, comme toujours, les solutions sont dans le collectif et non dans l’individualisme.
Nous appelons le gouvernement français à se mobiliser véritablement à Bruxelles où se joue la prochaine réforme de la Politique Agricole Commune ainsi que la réciprocité des normes dans les échanges avec les mesures miroirs. La France, premier pays agricole européen, doit renouer avec sa tradition régulationniste et proposer un nouvel horizon afin de reconstruire la souveraineté alimentaire européenne et d’assurer des prix justes pour des revenus équitables aux agriculteurs.
Nous appelons enfin le gouvernement français à ne pas tourner le dos à l’agro-écologie mais, au contraire, à aider les agriculteurs à investir dans la transition. La révision du Plan Stratégique National de la PAC d’ici l’été 2025, à laquelle le Parlement français doit avoir voix au chapitre, devra ainsi rendre opérationnelle la stratégie nationale bas carbone et le plan national d’adaptation au changement climatique.