Sécurité alimentaire : oui à la régulation des marchés, non à la destruction de notre santé et de l’environnement
La guerre de Vladimir Poutine en Ukraine a mis tout le monde d’accord sur un point : l’agriculture et l’alimentation sont des enjeux stratégiques si l’on veut être sérieux quand on parle de souveraineté et d’autonomie stratégique, car nourrir les citoyens est un sujet vital pour un pays. Même ceux qui, à chaque négociation du cadre financier pluriannuel européen, voulaient sabrer la Politique Agricole Commune en plaidant invariablement une « orientation vers le marché » de l’agriculture, s’intéressent désormais aux moyens nécessaires pour assurer notre sécurité alimentaire. « C’est sur la question des moyens que les divergences sont fortes : pour certains lobbies et Gouvernements, la guerre en Ukraine est un prétexte pour détricoter les législations récemment adoptées – et parfois pas encore mises en œuvre ! – visant à protéger la santé humaine et l’environnement, notamment en luttant contre les pesticides » explique Éric Andrieu, eurodéputé socialiste membre des commissions en charge du développement et de l’agriculture. « Oui, nous devons agir de façon résolue pour notre sécurité alimentaire. Mais nous n’avons pas le droit de perdre de vue les questions majeures du climat, de l’érosion de la biodiversité et de la qualité de l’alimentation, cela alors même qu’une étude vient de révéler que 63,1 % des fruits, des légumes et des céréales non Bio contenaient au moins un résidu de pesticide en 2020. » assène l’eurodéputé. « Non, le choix n’est pas entre la famine d’un côté ou les pesticides de l’autre. Cette guerre vient confirmer ce que nous disons depuis longtemps : le marché qui s’autorégule, cela n’existe pas, et confier notre sécurité alimentaire aux marchés est irresponsable. Ce n’est pas l’abus de pesticides et d’engrais qui règlera ce problème ! Nous avons besoin d’ouvrir le débat sur les stocks stratégiques alimentaires à l’instar de ce qui se fait pour le pétrole et le gaz. C’est le seul moyen de casser notre dépendance aux fluctuations erratiques des prix des marchés internationaux, car c’est la spéculation et la financiarisation de l’alimentation autant que les périodes prolongées de prix bas qui créent des famines » insiste Éric Andrieu. « Aujourd’hui, les prix des céréales sont stratosphériques mais, à d’autres époques, ils s’étaient effondrés, c’est une réalité, or les règles de l’OMC reposent sur l’hypothèse que les prix internationaux seraient des prix d’équilibre, c’est une hérésie et l’Union européenne est la dernière à la défendre vaille que vaille ! Il est temps de relancer un nouveau cycle multilatéral pour faire émerger des coopérations entre États autour du stockage et de la flexibilisation des politiques de biocarburants. Quand les prix sont élevés, il faut prioriser l’usage alimentaire, mais quand les marchés se retournent on doit pouvoir écouler les surplus via la production de biocarburant afin d’éviter les crises de surproduction. » explique encore l’élu socialiste. « Sur le long terme, il reste indispensable de protéger notre environnement et la santé humaine ; c’est pourquoi nous défendrons fermement le Green Deal et la stratégie de la ferme à la fourchette. Le dérèglement climatique et l’empoisonnement de la terre, s’ils ne font plus la Une de l’actualité entre le Covid-19 et la situation en Ukraine, restent en effet des menaces tout aussi importantes pour l’avenir de l’Humanité que les pénuries alimentaires. Durabilité de notre alimentation et sécurité alimentaire vont de pairs, c’est absurde de les opposer. Si l’on veut garantir l’intérêt général, il ne faut pas donner toujours plus de pouvoir au court termisme des grandes multinationales de l’agroalimentaire ! » concluent les membres de la délégation de la gauche sociale et écologique.