Communiqué de presse de la Délégation de la gauche sociale et écologique au Parlement européen du 30 juin 2022 : Bilan de la PFCUE : vraies avancées et faux-semblants d’un semestre percuté par la guerre

Nous nous étions engagés à juger la Présidence Française du Conseil de l’Union européenne (PFCUE) à l’aune de ses résultats : terminée ce 30 juin, elle nous laisse sur notre faim, malgré des avancées notables qu’il convient de souligner. L’occasion était pourtant suffisamment rare pour en attendre beaucoup, la prochaine présidence française ayant lieu en effet dans plus de 10 ans ! Emmanuel Macron en avait fait, en toute modestie, un événement majeur pour l’Europe… comme pour la France.
Le programme de travail de celle-ci avait été défini avant la guerre menée par Vladimir Poutine en Ukraine, guerre qui a complètement changé la donne. Déjà amputée du fait de la période électorale française, la présidence tournante s’est retrouvée également accaparée par la guerre et ses conséquences. L’octroi du statut de candidat à l’Ukraine et la Moldavie, l’adoption rapide de sanctions contre la Russie et l’utilisation du Fonds Européen de Facilité pour la Paix afin d’équiper la résistance ukrainienne ont montré la capacité de réaction de l’Union. Mais l’approche graduelle a montré ses limites et l’incapacité à imposer un embargo sur le gaz russe est un échec grave de l’Union.
En dehors de l’Ukraine, la France a réussi à faire aboutir un certain nombre de textes majeurs : sur le numérique (DSA/DMA), la réciprocité de l’accès aux marchés publics dans le commerce international, les salaires minimaux adéquats, la présence des femmes dans les conseils d’administration ou encore la boussole stratégique. La plupart d’entre eux portent d’ailleurs le sceau de la famille social-démocrate au Parlement et nous nous en félicitons.
Sur d’autres dossiers, la volonté de multiplier les accords et de rester dans un consensus large même lorsque l’unanimité n’est pas requise, a débouché sur un manque d’ambition criant, même par rapport aux propositions de la Commission. C’est le cas des travaux pour aboutir à une position du Conseil sur les directives Efficacité énergétique et Renouvelables, deux dimensions sur lesquelles la France n’est pas bonne élève, soit dit en passant. Plus spécifiquement sur le fameux ajustement carbone aux frontières, dossier symbolique dont la France faisait un cas particulier et se targuait de le « parachever » : il n’a évidemment pas été possible de le sortir de l’enchevêtrement du paquet Fit For 55 et les négociations interinstitutionnelles ne débuteront que prochainement.
À noter parmi les échecs : l’ambition affichée sur les fameuses mesures miroirs – ces règles visant à soumettre les importations aux règles européennes qui s’appliquent à nos agriculteurs -, n’a donné lieu à aucune proposition concrète. C’est d’autant plutôt regrettable que dans le même temps la Commission continue son agenda pour faire progresser la réciprocité des normes dans le commerce en annonçant la semaine dernière un Règlement pour interdire les importations d’aliments contenant deux néonicotinoides, ces insecticides tueurs d’abeilles. Pas ou peu de progrès non plus en matière d’asile et migration, où les propositions sur les textes n’ont pas évolué, faisant place à des tentatives désespérées de micro-avancées. Les progrès en matière d’asile et migration ne concernent que les textes les plus restrictifs (Eurodac et le règlement Filtrage), alors même que la présidence s’était engagée à avancer parallèlement sur les aspects de solidarité. Seul un mécanisme non contraignant basé sur la bonne volonté des États membres à accueillir des demandeurs d’asile ou à soutenir les pays de première ligne a été validé, et ce en dehors du paquet législatif initial. La moisson est maigre. La Conférence sur l’Avenir de l’Europe, pourtant très investie voire exploitée politiquement par le Président de la République, voit ses conclusions peu soutenues au Conseil malgré les appels répétés du Parlement à saisir l’occasion pour réviser les traités par une Convention.
« Puissance, relance, appartenance » : la France a joué sa partition pendant ce semestre, mais finit assez loin des annonces grandiloquentes de ses débuts. Si l’on peut objectivement s’interroger sur ce bilan, notamment au vu de l’ambition bruyamment affichée au départ, se pose toutefois la question de la pertinence même de ces présidences tournantes.
La transformation de l’Europe en grande puissance sociale, sanitaire, numérique, écologique et géopolitique est en cours, c’est un fait. Mais reconnaissons avec humilité que cette mue salutaire doit plus à la crise sanitaire et au retour de la guerre à quelques encablures de nos frontières européennes, qu’à l’action des présidences qui se sont succédées ces derniers semestres.
Alors, pour éviter de subir les effets de ces crises, et celles à venir, plus que des présidences tournantes, otages d’enjeux de politique interne qui parfois dépassent l’intérêt des citoyens Européens, gageons sur une gouvernance renouvelée, traduite dans les traités.
Une gouvernance, où les citoyens ont tout leur rôle à jouer, où le bon sens et la volonté d’agir pour améliorer la vie de tous les Européens, sont les véritables boussoles de l’action politique de l’UE.